Guy Savoy – Monnaie de Paris

S’il y a un critère du Guide Michelin particulièrement difficile à remplir pour obtenir les sacro-saintes étoiles, c’est bien celui de la constance. Eh oui, même votre conjoint manchot du fourneau a un jour réussi à vous concocter un bon plat par pure inadvertance. En revanche, s’il s’agit de refaire le même à la même qualité toute l’année, c’est une toute autre paire de manche. Pire, c’est un métier. Celui de Guy Savoy en l’occurence.

Le monde vu d’en haut

Guy Savoy, autodidacte, bourguignon de naissance et formé chez les frères Troisgros, a ses 3 étoiles depuis 2002, il trône en haut de La Liste (algorithme superflu dont nous vous épargnerons le procès aujourd’hui) avec à son restaurant à la Monnaie de Paris. Immense avantage par rapport à sa précédente table rue Troyon : le lieu est monumental et, quand bien même vous êtes autant féru d’art moderne que le chef qui parade ici sa collection et ses Fabrice Hyber, rien ne vaut la vue imprenable sur la Seine qu’offre ce musée du Quai Conti.

Le clap de fin du plaisir ne se commande pas

Les salons en enfilade apportent la juste dose d’une intimité modulable qui permet de se concentrer sur la véritable vedette du repas : l’assiette. Des assiettes d’artistes conçues pour un artiste qui murmure à l’oreille des produits, avec une justesse et une générosité qui fait mentir la réputation d’enchaînements de mille bouchées dont souffrent trop de restaurants gastronomiques, et avec une attentionextrême accordée à chaque détail. Ainsi, la St Jacques se déguste en 2 cuissons, histoire d’être sûr d’en extraire toute la substantifique moelle. Ainsi, un ineffable saumon « figé » sur la glace en sel de l’Himalaya se dresse devant vous pour être sûr que vous ne ratiez pas une arête du spectacle. Ainsi, pouvez-vous redemander de la soupe d’artichaut à la truffe noire flanquée de sa brioche feuilletée aux champignons et truffes, jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus dans la cassolette : le clap de fin du plaisir – pas plus que celui de la gourmandise – ne se commande pas.

Médailles

Si jamais vous vous demandiez si Guy Savoy méritait ses médailles, sachez une fois pour toutes qu’elles ne sont pas en chocolat, même s’il a commencé sa carrière chez un maître-chocolatier. Peu me chaut qu’il soit premier d’un quelconque classement, en effet les numéros 1 d’aujourd’hui sont forcément les numéros 2 de demain. En revanche, il y a chez Guy Savoy la créativité, la minutie et la constance qui forcent l’admiration : il n’y a jamais eu l’ombre d’une déception, si ce n’est celle provoquée par l’approche de la fin d’une expérience gastronomique à la hauteur des attentes les plus élevées.