Résolument intenable
Éditorial

Résolument intenable

On sait bien que ce n’est pas possible, mais on le fait quand même histoire de parler, de le sortir de ses tripes et si possible d’en rire un bon coup, avec plein de mauvaise foi. Voici donc quelques vœux qui sont tout sauf pieux et qui ne seront probablement jamais exaucés. Tout ça parce que le Père Noël n’existe pas. Tout ça parce qu’il est puni par la loi de faire du mal aux gens.

En finir avec les récompenses

Un ami entrepreneur disait récemment « quand je travaillais dans le marketing, je m’amusais de la propension du monde de la com à s’autocongratuler sans cesse dans des remises de prix quasi-hebdomadaires. Mais en fait c’étaient des petits joueurs à côté du milieu des start-ups ». Espérons qu’ en 2017, il en aille de même avec la gastronomie où le récompensé est désormais souvent plus connu que la récompense.

En finir avec les classements

Les meilleurs restaurants du France, les meilleurs camions à pizza nudistes de la Côte Basque, les producteurs de saindoux les plus influents… les classements se multiplient plus vite que les restaurants qu’ils sont censés classer. Et comme les jurys sont souvent composés de professionnels qui opèrent un lobby sans pudeur, chacun défend sa petite paroisse sans se soucier de son éventuel lecteur (ceci est valable pour les prix). Effet de mode ou tendance de fond, il y en a tellement aujourd’hui qu’on peut questionner la raison-même de leur existence. Si on continue comme ça, on passera bientôt plus de temps à lire qu’à dîner.

En finir avec les chefs

Entendons-nous bien, j’éprouve une admiration infinie pour les chefs (enfin, certains) mais il faudrait que tout le monde cesse de vouloir en être un. Non seulement tout le monde n’est pas doué pour ça, mais la restauration et l’hôtellerie souffrent d’un cruel déficit en main d’œuvre. Or il y a autour de celui de chef, des métiers passionnants, tout à fait honorables et qui valent la peine d’être exercés. Je ne sais pas s’il est prévu un Top Maître d’Hôtel sur M6, mais si on veut éviter d’être un jour servi par un Gordon Ramsay raté et se faire engueuler au passage…

En finir avec le monoproduit

L’expertise verticale, c’est génial, surtout lorsque vous exercez dans un domaine passionnant, mais tous les domaines ne le sont pas. Certaines passions sont parfois difficilement communicables. Ou pire, on s’en fout. Plus prosaïquement, faire ses courses au quotidien est devenu – au mieux – une longue balade initiatique à la découverte de nouveaux terroirs (sic), – au pire – un chemin de croix où on doit aller chercher son café dans telle maison, son sucre dans telle autre, son hamburger chez X, les frites chez Y et le ketchup chez Z. Chers experts, vous allez finir par nous faire aimer le supermarché.

En finir avec la défense des animaux

Jusqu’à ce qu’un scientifique enregistre le râle de la courgette au passage de la mandoline, il faudra aux gens sensibles apprendre le sens du mot « anthropomorphisme ». En 2017, il est à peu près certain qu’aucun abattoir n’étouffera la belle limousine avec des câlins avant de la découper à la tronçonneuse, il conviendra donc de ne pas trop s’épancher sur les réseaux sociaux à chaque fois qu’est diffusée la vidéo d’un groupuscule néo-hippie s’étant introduit dans une ferme avec une Go Pro cachée sous des aisselles hirsutes. Non, je ne combats pas vos idées, je veux juste finir ma côte de bœuf sans que vous ne vomissiez sur mes Berluti en veau prématuré de Salers.

Sinon, nous vous souhaitons une merveilleuse année pleine d’amour.