Piero TT

Pierre en Italien se dit Piero ou Pietro, Gagnaire a choisi le premier pour baptiser sa nouvelle trattoria vert-blanc-rouge Rue du Bac, en lieu et place de l’ancien Gaya, son restaurant tourné vers la mer.

Pierre parle avec les mains

Changement radical d’ambiance, là où un luxueux classicisme très 20ème siècle un peu froid incitait au calme et à la contemplation, il y a désormais une cuisine qui parle avec les mains, une expressivité orale peu coutumière au chef aux trois étoiles de la rue Balzac.

Première bonne surprise, les équipes, comme le chef Ivan Ferrara (un ancien de la rue Balzac), le sommelier Michelle Lella ou le directeur de salle Gianluca Modafferi ne sont pas des transalpins mal déguisés, et pratiquent aussi bien la langue de Dante que celle de Molière. Syntaxes et accents exotiques à part, c’est assez fluide, l’ambiance trattoria est joviale quoiqu’un peu bruyante pour ceux dont les tympans s’étaient trop accoutumés aux décibels du Faubourg Saint Germain qui murmurent plus qu’ils ne susurrent.

Le carpaccio de sériole au fenouil est frais et sans histoire avec ses textures variées et son croquant anisé. On surprend Gagnaire, le baron de la transformation et des assiettes multiples, à s’adonner à la simplicité avec une certaine réussite et un enthousiasme communicatif. Son chef exécutif opère efficacement, voire sobrement. L’escalope de veau à la milainaise, couperet et marqueur sans pitié, est également de fort honorable facture : fine, grasse là où il le faut, jamais sèche, tout en évitant toute lourdeur.

On retrouvera pourtant un vieux réflexe typiquement Gagnairien dans le dessert avec la Burrata Campari au crémeux de marron, une petite pépite de fruit, de fraîcheur et d’amertume, avec ce qu’il faut d’onctuosité pour ne pas ressembler ) un apéro. La carte des vins ronronne quant à elle sa mélopée envoûtante, laissant une place confortable aux tannins veloutés des terres de Piémont et de Toscane.

Piero le goût

A la fin du repas, on en a oublié la statue du commandeur et son tableau de chasse Michelin, pour ne garder que le souvenir d’un moment simple et plaisant, ô combien rare en ces quartiers de sophistication qui confine parfois au maniérisme. Piero le goût plutôt que Pierrot le Fou, cette nouvelle table ne bouleversera pas l’univers des critiques culinaires au palais bien trop fréquemment lustré, mais ravira le riverain rétif à la nouveauté, et fera le bonheur des grandes tablées.