Accents

Dans les environs du Palais Brongniart, il était plus attendu de découvrir soit des chaînes de cantines impersonnelles de ronds de cuir boursicoteurs pressés, servant à la va-vite une pitance estampillée bio, green ou healthy dans des récipients en plastique, ou encore des power tables pour nantis au taux de cholestérol frisant les pics excessifs du bitcoin.

Cette adresse a été testée sur invitation

Mais, au détour de la sinueuse rue Feydeau, à l’abri des regards indiscrets, il y a Accents, une table qui ne cache pas les siens, puisqu’elle a été lancée par la japonaise Ayumi Sugiyama, ancienne de l’étoilée Truffière. Il est aussi rare de voir une cheffe pâtissière à la tête d’un restaurant, que de voir celle-ci servir ses délicates créations dans un quartier que peu de choses destinent à la gastronomie, même si un certain Saturne y sévit depuis quelques années.

Jeu collectif

Flanquée de Romain Mahi, un ancien de chez Thierry Marx avant d’être chef de partie à la Truffière, et d’Etienne Billard, sommelier rencontré dans le même établissement, Ayumi Sugiyama propose une cuisine précise et limpide qui considère les particularités que sont les accents comme des richesses plutôt que des handicaps, à la croisée des cultures et des terroirs, à l’image de leur rencontre improbable. Y sont privilégiés des produits de saison, issus d’une agriculture raisonnée, transformés mais pas trop, dressés avec soin et naturel comme une coiffure ébouriffée et servis en portions raisonnables.

Ainsi le sorbet ananas percute l’aubergine brûlée et le chipotle tandis que le turbot sauvage va à la rencontre du champignon shiimeji. Surprenant ? Non. Dans ce décor sobre et intimiste aux accents presque danois, les terroirs se fondent et se confondent avec une aisance auquel Matteo Salvini ne saurait survivre. Cosmopolite et terrienne, Accents relève le défi du monde contemporain à son échelle, avec une jolie cave composée de classiques comme de découvertes, qui vous accueille dès l’entrée et c’est déjà pas mal !