Brandon Dehan, chef pâtissier à l’Oustau deBaumanière
Rencontres

Brandon Dehan, chef pâtissier à l’Oustau deBaumanière

Hasard ou flair… Orgyness a eu la chance de rencontrer Brandon Dehan, le nouveau chef pâtissier de L’Oustau de Baumanière, sur ses terres, quelques semaines à peine avant qu’il ne se voit décerner le prix du « Jeune Pâtissier de l’année » par le guide Gault & Millau. A ses côtés, c’est un regard neuf et empreint d’enthousiasme qu’on jette sur la vénérable maison. Alors qu’on est au milieu de l’automne, c’est comme si elle reverdissait sous nos yeux. On sait les pâtissiers un peu sorciers, Brandon aurait-il trouvé le secret de l’élixir de jouvence ?

Promenade au domaine – intérieur jour

A la manière de certains philosophes, qui affirmaient qu’on ne peut penser correctement qu’en marchant, on est en droit de croire qu’on ne saurait percer la personnalité d’un artisan ou d’un artiste qu’en le laissant nous prendre par la main et nous faire découvrir son royaume, ses inspirations et son quotidien, pas à pas. Littéralement. C’est ce que Brandon Dehan nous a offert, par un bel après-midi de septembre, sur les chemins du domaine de Baumanière. En préambule, à la porte de son antre, Brandon attire notre attention sur l’entrée et la salle du restaurant étoilé.

« Tout a été refait il y a un an par Madame Charial (ndlr : la femme du chef propriétaire Jean-André Charial) et sa belle-fille, décoratrice d’intérieur. Tout a été allégé, épuré. C’est plus moderne et cela correspond bien à la cuisine que Glenn Viel et moi voulons proposer. On travaille en osmose tous les deux. C’est comme le chariot à fromages, on l’a fait faire sur-mesure, ou notre chariot à infusions. On l’a pensé ensemble et c’est sûr, il est unique au monde ! Pour les plats de service, c’est la même chose. Si on donne une ligne directrice à notre carte entre salé et sucré, il faut que cela se retrouve dans les contenants. On travaille avec la céramiste Cécile Cayrol, qui vient de terminer toute une collection dont on est particulièrement contents. Idem pour les carafes à décanter le vin. Notre travail ne s’arrête pas à la porte de la cuisine. Il faut que tout soit cohérent, harmonieux ».

Cette fameuse porte franchie, on découvre la sublime cuisine d’un double étoilé, vaste, claire et parfaitement pensée. Il faut dire que la brigade compte 25 à 30 personnes en pleine saison !

« En pâtisserie, on est sept, auxquels il faut ajouter les deux boulangers. C’était l’un de mes souhaits en arrivant il y a deux ans de travailler main dans la main avec la boulangerie. A L’Oustau, on fabrique notre propre pain et toutes les viennoiseries. Mieux, et je crois qu’on est les seuls à le faire, on propose un menu en accord mets-pains. Mais, on veut encore aller plus loin. J’aimerais que d’ici deux ans, on fabrique notre propre farine à partir de blés anciens et qu’on expérimente des farines végétales, des levains, etc. C’est en bonne voie ».

Promenade dans le domaine – extérieur jour

A mesure qu’il nous parle et nous fait saluer les cuisiniers avec lesquels il travaille au quotidien dans ce petit paradis, on s’interroge un peu plus sur le personnage. Si ce n’était l’enthousiasme débordant et l’énergie enfantine qui se dégagent de lui alors qu’il nous entraîne vers les ruches et le potager, on aurait du mal à croire que Brandon n’a que 25 ans. Comment se retrouve-t-on si jeune à la tête de la pâtisserie d’une si grande table ?

« Ce n’était pas gagné d’avance, parce qu’avec un grand-père et un père légionnaires, ma voie était toute tracée. Mais, voilà, j’ai fait un stage de cuisine chez moi en Normandie, et j’ai décidé de prendre un autre chemin. D’abord comme cuisinier à l’Auberge de Pont-L’Evêque, puis comme pâtissier à l’Auberge du Jeu de Paume. Et me voilà ! Monsieur et Madame Charial m’ont donné ma chance et Glenn aussi. Une vraie rencontre qui change la vie ».

Gagnés par sa vitalité et sous le charme des animaux de la basse-cour comme des trésors du verger et du potager, on essaie d’en savoir plus sur ses inspirations, ce qui pourrait être l’ADN de sa pâtisserie.

« Franchement, l’inspiration, je la trouve partout. Dans un paysage – et ici on est plutôt bien lotis, dans une musique, dans un peu tout. Pour ma figue, cuite dans un rocher coco, c’est sûr que le paysage rocailleux des Baux y est pour quelque chose. C’est immédiat ou plus lent, ça dépend. Comme pour la bûche de cette année (ndlr : on vous en reparlera !), j’ai une idée qui me trotte dans la tête, je fais des essais, je réfléchis, j’ai mis six mois à obtenir ce que je voulais ! Pour le reste, je dirais que ma pâtisserie est avant tout centrée sur le produit, la technique vient après. J’essaie de rester simple, même si le travail est là. Pas plus de trois saveurs, du visuel, des textures et surtout du goût ».

A 25 ans, surdoué comme il l’est, le chef a-t-il encore des mentors ou est-ce déjà hors sujet ?

« Bien sûr ! Ophélie Barès en premier lieu, puisque c’était ma chef pâtissière à l’Auberge du Jeu de Paume, mais aussi Benoît Charvet, qui est chez Georges Blanc. Parmi les plus médiatiques, Philippe Conticini évidemment – le roi de l’assaisonnement, Christophe Michalak pour le côté rock, ou encore Frédéric Bau, le maître incontesté du chocolat ».

Dégustation à l’arrivée

Il va sans dire que cette promenade a éveillé tous nos sens et qu’on trépigne presque d’impatience à l’idée de déguster certains des desserts du jeune Brandon. Que vaut donc le « jeune chef pâtissier de l’année » in vivo ? Il aura suffi d’un dessert pour achever de nous convaincre de son talent. Son intitulé, pour le moins épuré, voire même expurgé « La mûre ». Point. Pourtant, derrière se cache un dessert à l’assiette d’une complexité et d’une sophistication rares. Au sens de surprenantes et abouties. Le détail de la composition est parlant : mûre chocolatée et thé fumé, cercle de pâte sucrée, crémeux au chocolat lait, espuma à la mûre, fine feuille de chocolat aux mûres, opaline au thé fumé et granité au thé fumé. On aurait jamais cru que le thé fumé pourrait à ce point transcender la mûre. Et pourtant. Les trois éléments se répondent parfaitement et révèlent un trait commun qui enchante, l’épicé, non le sucré. Du grand art.

L’Oustau de Baumanière peut se féliciter d’avoir parié sur ce jeune talent. Le couple Charial comme le chef Glenn Viel peuvent compter sur lui pour faire redécouvrir la maison et la faire rayonner. Et ce n’est que le début !

L’Oustau de Baumanière
13520 Les Baux de Provence
Notre article complet sur l’Oustau de Baumanière
Plus d’informations sur www.baumanière.com