Le Sergent Recruteur

Un vieux dicton parisien aurait pu dire « on ne se rend pas sur l’Île Saint Louis pour y faire bombance ». Mais ça, c’était avant que le soldat Pégouret n’y débarque. Le bruit courait depuis des mois, toutes les petites concierges de la profession étaient à l’affut lorsqu’elles n’étaient pas dans l’escalier : le sacro-saint Laurent risquait de perdre son Yves à lui, son Alain qui lui donnait tout son style depuis 18 ans.

L’angoisse du gardien de but au moment du penalty

L’avenue Gabriel perd une étoile, mais un chef va y gagner en expression, loin d’un Triangle d’Or peut-être devenu trop figé. Been there / done that, cet ancien disciple de Christian Constant avec qui il a connu le Crillon, avait certainement soif de nouveauté et de liberté, lui le passionné de moto. D’ailleurs, alors que sa nouvelle adresse vient juste d’éclore, on ressent comme une certaine impatience.

Derrière le passe de sa cuisine ouverte, il y a le sourire du bonheur d’être chez soi, mais aussi la nervosité de celui qui attend que la salle vibre au diapason de ses créations. Une salle entièrement redécorée aux codes contemporains tout en respectant l’essence des vieux immeubles de l’île : les pierres et les poutres apparentes. Une cuisine vive et entêtante, comme la truite irisée « au goût légèrement boisé » ou le foie gras de canard poché dans une sangria de légumes et fruits blancs. Un foie gras tout en onctuosité, délicatesse et légèreté, grâce à un parfaite maîtrise des arômes fruités.

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Et puis, il y a la poulette Culoiselle, ces volailles vedettes du Perche, rôtie avec de l’ail noir sous la peau, pleine, fondante et juteuse, mais qui ne vous laissera pas partir sans vous avoir fait goûter sa menthe harissa. Ou encore le ris-de-veau à la bière ambrée qui trône sur ses asperges blanches, surmontées de ses cacahuètes torréfiées qui fait faire le tour de France des textures, du fondant au croquant en passant par le croustillant.
A noter également que chaque semaine, le chef se laisse le loisir de « flasher » sur un produit et de le proposer à la volée. Ah, liberté chérie.

La cave n’est pas en reste avec un centaine de références sélectionnées par Inès, ainsi qu’un belle offre au verre qu’on retrouve notamment au bar à l’entrée où il est possible de s’attabler avec une carte de petits plats.

Service pas encore militaire

Seul bémol certainement dû à la mise en route, un service parfois tatillon, que la configuration des salles – tout en enfilade – n’aide pas énormément et un rythme d’envoi qui se cherche encore, et qu’on peut attribuer à une forme de perfectionnisme du chef en ses nouveaux murs. Quoi qu’il en soit, il serait absolument impensable que nous ne vous recommandions pas un passage au Sergent Recruteur dans les semaines qui viennent, et ce pour les raisons suivantes :
1. l’assiette est déjà fort bien rodée ;
2. ça vient d’ouvrir et ça sera ouvert tout l’été ;
3. un Sergent Recruteur, c’est fait pour recruter, et nous n’avons nul doute que nous serions tous des militaires de carrière si ce type de rations était servi à l’armée. Rompez.