The Square

Quand on voit un chef tel que Clément Leroy, ancien bras droit de Guy Savoy que nous avions croisé pour la dernière fois à l’Auberge du Jeu de Paume de Chantilly, partir à l’aventure Outre Manche, on se dit que ce n’est pas pour rien que Londres est la 6ème ville française en termes de population ! Mais si le chef est bien française, l’institution The Square est bel et bien british puisqu’il a été auparavant auréolé de 2 étoiles au Michelin sous l’égide de Nigel Platts-Martin et de son chef Philip Howard.

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Passation

Mais, ça c’était avant. A présent, c’est l’homme d’affaires Marlon Abela qui exploite cette belle salle en plein Mayfair, l’équivalent d’un triangle d’or parisien, et c’est ce dernier qui, après un long processus de sélection, a jeté son dévolu sur notre Clément Leroy national ! D’importants travaux ont été consentis, si bien que la salle est passée de terne et anodine, à une atmosphère signée Virgile + Partners qui hésite entre industrielle et arty, avec des pièces d’Oscar Murillo, Garth Weiser, Kevin Baisley et David Altmejd, et une lumière ponctuelle qui met en valeur l’assiette.

A propos de l’assiette, ceux qui connaissaient la version parisienne du chef ne s’y retrouveront probablement pas. Il y a quelque chose dans l’air à Londres qui fait que les esprits sont plus libres et créatifs, débarrassés de leurs complexes, voire du poids culturel qui pèse sur leurs épaules tant qu’ils sévissent sur leurs terres natales. Elle est loin, la cuisine de notables de Chantilly ! Dans la version 2.0 de Clément Leroy, on trouve beaucoup de produits de la mer, géographie oblige : du crabe du Devon, des langoustines écossaises ou de l’anguille du Lincolnshire… Le maquereau sonne juste en texture et en arômes, la saint-jacques d’Orkney tout juste saisie avec ses saveurs de noisette et de graines vertes de café frise la perfection, mais c’est presqu’une évidence à ce stade de la compétition. Ce qui épate, c’est le rouget préparé avec de l’huile bouillante versée directement sur la peau afin de la rendre croustillante, d’une puissance admirable et d’une finesse diabolique.
En dessert, on admirera le travail de la chef pâtissière et épouse du chef, Aya Tamura, qui, tout en légèreté (même avec du chocolat) vient conclure une partition pleine de maturité.

Evolution

Est-ce que tout est bien ? Osons l’avouer, j’aurais imaginé un menu plus généreux et plus démonstratif, un peu plus d’intensité dramatique aurait demandé un scénariste, ou quelque chose qui vienne davantage dialoguer avec ces œuvres d’art qui vous toisent tout au long du repas. Mais gageons sur le temps, parce que le chemin parcouru est plus qu’honorable. A suivre de près donc dans les mois qui viennent, car après tout, si la perfection n’est pas de ce monde, est-ce une raison pour cesser d’y tendre ?